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Vous le savez, le dernier jour de l'hiver marquera le dernier jour de mon Navarcat. Ce rapport que je fais est donc le dernier et vaut aussi pour mon rapport de sortie de charge. Ce sera l'occasion de faire un bilan sur l'année écoulée et mon action au Navarcat durant toutes ces années. Certes, c'est un peu tôt... Mais vous connaissez tous la situation de crise que nous vivons en ce moment, et qui sait comment sera l'avenir ? Je préfère, tant que nous ne sommes qu'au début de cette épidémie, présenter mon rapport final.
Je vais commencer par ce qui s'est passé durant l'année en cours, plutôt mouvementé d'un point de vue administratif, et terminer par un bref bilan de ma charge."
"Concernant la sécurité de nos mers, c'était devenu une habitude, ça l'est toujours, la présence de la piraterie est à un niveau minimum. Nos patrouilles ont encore une fois fait une bonne année, assurant la sécurité de tous. Je ne vais donc pas m'étendre, il y a peu à dire.
J'ai cependant ordonné la fermeture des ports relevant de ma zone, tout en demandant à la marine de coopérer autant qu'elle peut et d'apporter tout le secours possible aux autorités locales pour lutter contre l'épidémie..."
"Le renouvellement de la flotte vient de s'achever, le maître Rabilius me l'a confirmé. Notre flotte est donc extrêmement moderne et c'est une arme dont nous pouvons être fiers. Je rappelle que la seule flotte qui a échappé au renouvellement est la flotte de Tarente, non pas pour des raisons budgétaires, mais surtout parce que les navires tarentais, bâtis par les Grecs, étaient déjà en avance par rapport à nos propres connaissances. Un renouvellement ne s'imposait donc pas.
Ce renouvellement qui s'achève et me permet de laisser à mon successeur une flotte flambant neuve est dû, ne l'oublions pas, au grand sens républicain de la sodalité de Neptune qui a tout fait et s'est mis dans une situation impossible pour honorer la commande que la République avait passée malgré ses défauts de paiements.
Cela me donne une transition toute trouvée pour indiquer le règlement de la sodalité de Neptune. Depuis des années, la République différait le paiement de neuf millions d'as. Je dois ici souligner l'extrême réactivité du Questeur Sempronius alors. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : je n'apprécie pas tous ses propos ni son comportement, mais objectivement parlant, et pour ce qui concerne la marine, je tiens à insister sur la rapidité du seul Questeur Sempronius pour ces questions..."
C'est aussi lors de sa visite à la maison de la flotte et à une réunion avec mon État-Major qu'a pu être réglé le problème de l'entretien de la flotte, qui avait été délaissée pendant deux années. Heureusement, nos bateaux sortant de nos chantiers navals, il n'y eut aucun problème pour cette fois. Le Questeur Sempronius s'est chargé de payer l'entretien et les salaires en retard.
Grâce à sa célérité, je peux donc laisser à mon successeur une marine parfaitement organisée, et sans aucun problème. Le budget a été payé. Toutefois, mais le problème n'est pas nouveau, il serait bon que l'entretien de la flotte devienne une dépense automatique sans que le Navarque ait chaque année à se rendre auprès de la Questure, étant donné le montant relativement stable de l'entretien.
Voici d'ailleurs quelques chiffres concernant notre flotte. La composition n'a pas changé et reste à 103 trirèmes, 134 birèmes, 50 navires légers et 160 transports.
Cela demande un budget annuel de 6 290 000 as, comprenant 1 470 000 as d'entretien de navire et 4 820 000 as de salaires. À noter qu'en cas de guerre, pour information, les salaires passent à 4 940 000 as, du fait de l'augmentation des salaires des légionnaires marins.
À noter aussi la taxe commerciale dont doivent s'acquitter les marchands prenant nos mers sûres. Son montant est bien sûr variable en fonction des années, et il est certain que l'épidémie risque de faire drastiquement chuter la taxe. Elle a en tout cas un moment rapporté 4 237 016 as selon mes services, ce que la Questure devrait être en mesure de confirmer. Au final, la marine coûte donc "seulement" un peu plus de deux millions.
Ceci clôt ma présentation de l'année en cours. Je vais donc pouvoir passer au bilan.
Le Navarque s'arrête un instant et prend une petite gourde pour se désaltérer. Il cesse aussi de se tenir debout et doit s'appuyer sur une petite table comprenant divers documents... Il semble soupirer, comme si faire ce bilan lui est difficile...
"Quand, il y a un vingt ans, je me suis présenté au poste de Navarque-Adjoint, je dois avouer que je ne pensais pas que je donnerai à la marine vingt longues années. Cependant, alors que j'étais un jeune Sénateur, j'ai pris cette tâche à bras le corps, sous les ordres du Navarque Fabius Maximus. J'étais jeune et inexpérimenté, mais très motivé. La marine était alors un corps mal-aimé de notre République, conspué par de nombreux aveugles qui ne voulaient pas voir son rôle formidable.
J'ai également servi sous les ordres du Navarque Plinius qui me fut préféré lorsque le Navarque Maximus fut poussé à la démission. Durant mes années en tant qu'Adjoint, j'ai fait ce qu'on attendait de moi, navigant beaucoup, me chargeant de la construction ou de l'aménagement des ports, portant des missives d'importance à droite ou à gauche. C'est comme ça que je me suis retrouvé un jour à Carthage ou que j'ai développé de bonnes relations avec l'Archonte Antarès de Rhegium.
Puis je suis devenu Navarque, brièvement Navarque maximus pour assurer la continuité de notre marine et d'une passation de pouvoir entre le Navarque Orlenus et moi lors de la scission de nos flottes, et enfin Navarque de l'Ouest.
Qu'ai-je fait de toutes ces années ? Je fus une fois traité de pire Navarque de l'histoire romaine par un imbécile qui promettait un dossier fumant contre moi. L'imbécile est parti, et nous attendons toujours ces soi-disants manquements.
Car si je dois quitter la marine de ma propre volonté en raison de mes blessures de guerre qui me rendent inapte au commandement, je pars la tête haute. J'ai la conviction d'avoir améliorer notre marine, de l'avoir poussé à un niveau d'excellence jamais atteint. Ceux qui ont assisté à notre séance sur le Samnium savent de quoi je parle. Que le Sénat sache que ce que la marine a fait, elle peut le refaire...
J'ai tâché de poursuivre la tâche que s'était fixé mon prédécesseur, à savoir rapprocher la marine du peuple qu'elle défend. J'ai tenu les Neptunalia annuellement, sauf cas grave ou justifié, pour un succès à la fois croissant et qui ne s'est jamais démenti.
De plus, alors que vient le jour de mon départ, je suis fier de pouvoir laisser à l'Aspirant-Navarque Forestus une flotte flambant-neuve et avec un budget réglé. Certes, cela, je n'ai pu l'accomplir tout seul... Mais au moins mon Aspirant peut s'asseoir sur mon fauteuil sans craindre les mauvaises surprises. Je pars l'esprit tranquille.
Cependant, les tâches que devront relever mon successeur sont nombreuses. Néanmoins, et je l'ai déjà dit, je fais confiance à l'homme qui peut sans aucun doute relever les défis qui se présentent à lui, continuer mon oeuvre, et la dépasser pour que le jour où il partira, il puisse aussi se vanter d'avoir "mieux" fait.
La tâche la plus urgente et inattendue consiste bientôt en la gestion de l'épidémie pour ce qui le concerne : les ports, les zones côtières, Ostie.
Et puis évidemment, le Navarque devra s'assurer que la marine reste à l'état d'excellence ou elle est.
Mais sur le long terme, j'envisage deux projets qui devront être menés. Le premier consistera en l'obtention de la construction d'un nouveau port militaire aux îles Pontines, sur une île qui restera à être définie. J'ai déjà envoyé les missions d'études, mais aucune décision n'a été prise. Cela appartiendra à mon successeur.
Le second projet consiste en une éventuelle augmentation de la taille de notre flotte. Évidemment, la décision ne relèvera pas de mon Aspirant mais du Sénat. Cependant, ce sera à lui de mettre en oeuvre cette décision et lors des débats, il aura assurément un rôle important... |