Bataille navale en Perse 1

Un article de RomeWiki.

Première lettre du Navarque Iulius Emilius, en mission en Orient. Année 323 et printemps 324

"Ave Consuls, Ave Magistrats et Sénateurs,

Je vous fait parvenir des nouvelles de la Flotte de Rome engagée en Orient aux côtés des Grecs de l’Hégémon aujourd’hui, car demain, sans doute, je n’en aurai plus l’occasion !

Voilà donc près de deux ans que la Flotte d’Orient de Rome parcoure les mers de l’Est et participe aux opérations navales contre la puissance perse.

Dans un premier temps, lors de notre arrivée face au Pirée, port d’Athènes, au printemps 323, nous avons d’abord dû nous armer de patience ! Si l’accueil des Grecs était cordial et même chaleureux, manifestement ils tenaient les capacités maritimes des Romains en bien faible estime.

Ils nous ont construit un camp, à quelque distance du port, sur la plage, pour nous y installer, sous prétexte de notre protection et tranquillité, mais en réalité plutôt pour nous éloigner et minimiser ainsi le risque que notre culture et nos us et coutumes puissent « pervertir » leurs propres marins ! Ils fournissent vivres et boissons sans parcimonie, ainsi que quelques divers « petits réconforts du marin » sans se faire prier !

Une fois la curiosité naturelle de la population d’Athènes vis-à-vis d’étrangers assouvie, la vie dans le camp est devenue bien vite monotone ! Quelques visites de la ville d’Athènes m’ont été autorisées, ainsi qu’aux officiers, mais toutes tentatives d’établir des liens un peu plus approfondis ont été vaines. Ce n’est pas que les Grecs nous voyaient d’un œil mauvais, mais ils semblent croire que nous sommes d’un autre monde,… au mieux mi-barbares !

Et nous avons attendu des ordres…. en prenant parfois la mer pour quelques exercices ou pour quelques petites missions de ravitaillement pour l’un ou l’autre transport, et surtout, pour tuer le temps et maintenir les équipages en forme, en raboutant tant et plus nos navires halés sur la plage du camp !

J’ai toujours été tenu à l’écart de toutes discutions stratégiques ou tactiques et l’année 323 s’est passée dans ce relatif isolement. Des rumeurs d’engagements armés nous parvenaient bien de temps en temps, mais jamais précises ni pleinement fiables.

Nous avons ainsi attendu que passe l’hiver 323-324 dans ce camp, les galères de guerre échouées sur la plage, quasi coupés du monde.

Le sentiment des marins était partagé : en effet, ils ne pouvaient pas cacher que d’un côté, ils étaient heureux que la guerre se passe dans de telles conditions, mais aussi d’un autre côté qu’ils redoutaient qu’une nouvelle année se passe sans qu’ils aient pu montrer aux Grecs ce qu’ils valaient ! Ce sont des combattants, des marins de Rome, et se sentir à ce point inutiles, et inutilisés, les humiliaient plus que tout !

Le rôle des officiers a été particulièrement ingrat durant toute cette année et ce long hiver, de maintenir au sein de la Flotte de Rome, un esprit vigoureux, un esprit combatif, sans se laisser gagner par la facilité et à la nonchalance, malgré le peu de cas de notre valeur que nous laissaient entrevoir les Grecs !

Enfin, aux premiers jours du printemps 324, la Flotte d’Orient a reçu ses premiers ordres de mission. Sans jamais avoir une vue d’ensemble des opérations grecques, nous avons surtout été employés à des tâches secondaires, de ravitaillement, les galères de guerre protégeant la route des transports. Au début les Grecs ne nous confiaient que des vivres et du matériel, mais petit à petit des soldats ont profité de nos incessant voyages entre la Grèce et l’Asie Mineure.

C’est au début de l’été, lors d’une de ces missions monotones, la Flotte de Rome a pu, enfin, montrer sa vraie valeur ! Nous venions de ravitailler en blé et en armes la petite cité grecque de Sidé, - comptoir grec d’origine dorienne, en Pamphylie, petite région côtière juste au sud de la Phrygie -. Cette cité, comme beaucoup d’autres établissements grecs dispersés le long de la côte anatolienne de la Méditerranée, résistait tant bien que mal à la pression perse. Sa seule « de sortie » libre étant la mer, elle tenait face à l’envahisseur grâce à la marine qui maintenait coûte que coûte ce ténu cordon ombilical la reliant à la mère patrie.

Les 6 trirèmes et 12 birèmes romaines qui protégeaient le convoi appareillaient pour le trajet de retour, lorsqu’on signala un fort parti perse approchant par le sud. Jugeant la situation désespérée, je donnais de suite l’ordre aux galères sous mes ordres de quitter le port et de prendre sans tarder la route de l’ouest. Les Grecs observant du haut des remparts de la ville que la Flotte de Rome les abandonnait à leur triste sort, nous vouaient tous aux gémonies !

La flotte perse était imposante, pas loin d’une trentaine de galères. Nous voyant fuir comme des lapins, les Perses ne prirent même pas la peine de nous poursuivre, et de suite investirent le port. Les Grecs, protégés par les murailles de la ville, ne risquaient rien dans l’immédiat, mais ainsi isolés du monde extérieur étaient voués, à plus ou moins long terme, à tomber entre les mains perses. A ceux-ci, il suffisait d’attendre,… le temps travaillait pour eux !

Suffisamment loin à l’ouest pour être hors de vue de la cité, je donnais l’ordre de faire route au sud, vers la pleine mer. Suffisamment loin en pleine mer, pour ne plus être aperçu par un éventuel guetteur sur la côte, la flotte sous mes ordres pris la route de l’est. Le soir tombait… Au beau milieu de la nuit, nous étions dans la position que je désirais… La flotte s’immobilisa en pleine mer… nous attendions notre heure !…

Enfin, l’astre du jour allait se lever, nous étions un peu à l’est du port, un peu au sud, et nous étions en plein dans le vent portant… La flotte amorça tout doucement son mouvement, et insensiblement sous le couvert des restes de la nuit se rapprocha de son objectif… Bientôt, comme s’arrachant aux flots, un soleil resplendissant se mis à jeter mille feux… Les voiles furent hissées, le vent du sud-est les gonfla, et la flotte, à pleine vitesse se dirigea vers l’entrée du port. Elle naviguait exactement entre la cité et l’astre du jour…

Lorsqu’un guetteur du haut des remparts de la ville, scrutant l’horizon, plissant les yeux les protégeant de la main, compris enfin à travers les réverbérations du soleil que la flotte était revenue, ne pu s’empêcher de pousser un cri de joie, prévenant ses concitoyens mais alertant aussi les Perses … il était trop tard !…

Toutes engourdies d’un lourd sommeil aviné, toutes embuées des illusions d’une victoire facile, les galères perses tentèrent d’appareiller dans le désordre. Vent de face pour sortir du port, il fallait souquer ferme sur les rames… La première perse allait atteindre la passe lorsque la Flotte d’Orient, à pleine vitesse, vient l’éperonner, pulvérisant toute forme de velléité… Toutes les autres qui tentaient la sortie subirent le même sort, ne parvenant pas à se mettre en position de combat pour riposter… Certaines essayèrent de faire demi tour pour regagner l’abri illusoire du port… elles entamèrent à peine leur manœuvre !…

Comprenant que toute résistance était vouée à l’échec, le commandant de la flotte perse capitula. Il avait été pris au piège, et sa flotte était tombée comme un fruit mûr entre nos mains !

Quand le calme après la tempête fut revenu sur le port, toutes les galères en état de naviguer alignées aux quai du port, toutes les épaves hâlées sur la plage pour une éventuelle réparation postérieure, les habitants de Sidé repus de la fête qu’ils réservèrent aux marins romains, je fis rendre au commandant de la flotte perse un de ses navires. Je lui rendais sa liberté, qu’il puisse témoigner parmi les siens de la bravoure romaine !

Lorsqu’il fut en mer, je fis échouer sur la plage la galère amirale… Les marins de Rome lui arrachèrent son rostre qui valait bien huit cents livres de bronze… c’est le seul trophée que j’emporte ! J’avais attendu que le Perse se soit éloigné, car il n’est pas digne de dépecer ainsi aux yeux de son capitaine un navire …

Mes galères avaient peu souffert et je ramenais en Grèce 4 galères perses prises intactes…

Le comportement de l’Etat Major grec « vira de bord », de but en blanc, après notre retour ! Je fus admis à l’élaboration de leur stratégie… mais décidément, les dieux ne nous ont pas fait naître dans le même monde !


Je me suis opposé sur presque toutes leurs décisions, tant stratégiques que tactiques… ma conception de la guerre maritime « collant » rarement avec la leur. Il n’y a aucun doute, ils sont intimement persuadés que de telles idées -académiques ne peuvent germer que dans l’esprit d’un barbare ! Je prône la patience, n’attaquer qu’en position de supériorité, se dérober en cas de faiblesse, être mobile, le plus mobile possible, toujours être là au moment où on s’y le moins… user l’adversaire… le tenir en haleine, occuper constamment son esprit par la menace possible en tous temps et tous lieux… il ne doit se sentir en sûreté dans aucun endroit… le laisser courir… lui faire croire que…

Mais les Grecs, englués dans leurs traditions maritimes, ne conçoivent pas la guerre navale de cette manière… je les ai vite lassés… il m’ont écarté de leurs réunions…

Et aujourd’hui, dernier jour de l’été 324, nous voilà tous, tous rassemblés, ici, devant Rhodes !

C’est le fruit de leur vision de la guerre en mer ! La majeure partie de la flotte perse est face à la majeure partie de la flotte grecque… Tout va se décider en une seule bataille ! Celui qui, demain, sortira vainqueur aura sans doute gagné la guerre… Il restera seul maître de la navigation, et pourra sans encombre atteindre en sécurité et rapidement l’endroit qu’il souhaite…

Quel prix va-t-on payer pour ce résultat ? Combien de vie, combien de navires ? Et pourtant, tant d’autres solutions sont possibles ! Ne dit-on pas que l’Egypte arme pour soutenir l’Hégémon ?

Les Grecs m’ont nommé commandant de l’aile droite. En plus des 50 galères romaines, 50 autres napolitaines et tarentines sont sous mes ordres. C’est l’Italie qui se bat !

Je ne me fais guerre d’illusions,… j’ai bien compris la manœuvre grecque… même si je mesure l’honneur de confier un tel commandement, une telle responsabilité, à un Romain est grand, je sais aussi que demain la Flotte de Rome servira d’appât aux Perses !

Nous allons recevoir le premier choc… et devoir tenir ! Tenir en se repliant, tenir en entravant la progression perse, tenir et attirer le maximum d’unités adverses… en attendant que les Perses se soient suffisamment enferrés pour que les autres navires grecs accourent à la curée…

Neptune, mon père, en ce coucher du soleil de mon, sans doute, dernier soir, je m’en remets à toi ! Protège mes marins… protège-les car ils sont entraînés dans une aventure qui les dépassent… ils n’ont jamais demandé de mourir si loin de leur patrie… ils m’ont juste suivi… aveuglément !

Consuls, Magistrats, Sénateurs, Citoyens Romains ! En ce moment où vous entendrez ces paroles, le sort de vos marins sera scellé ! Peut-être que par d’autres canaux que le mien, déjà, vous serez au courant de l’issue de cette bataille ? Mais ayez une pensée pour VOS marins qui se battent pour Rome loin de leur patrie !


Emilius Iulius, Navarque 306-324, en mission en Orient, 323-324"


Bataille maritime Perse