Bataille navale en Perse 2

Un article de RomeWiki.

Deuxième lettre du Navarque Iulius Emilius, en mission en Orient. Eté 324

"Ave Consuls, Ave Magistrats et Sénateurs,

Tout est consommé,… une Flotte a gagné, l’autre est anéantie !

Des dizaines d’épaves couvent la mer face à Rhodes, des centaines d’hommes ont trouvé leur linceul au large de l’île !… Lydiens, Phrygiens, natifs de Cappadoce, de Cilicie et de l’île de Chypre, Syriens, Assyriens, Elamites, Mèdes, Parthes, Perses, habitants de Dahes, d’Hyrcanie, de Sagartie, de Carmanie et de Maka, d’Aracosie, d’Ariane, de la lointaine Bractriane, limitrophes du bout du monde de Kwahrezm, de Ghandara et de la Sattagydie… Scythes, Thraces, Macédoniens, Thessaliens, Béotiens, Archaiens, Arcadiens, Attiques et Laconiens,… Tarentins, Napolitains… et Romains… aujourd’hui, en ce premier jour d’automne 324, contemplent la face de leurs dieux ! A la surface entière du monde connu, des mères et des épouses pleurent leur fils, leur époux !

Pour beaucoup d’entre-nous, ce ne fut que le dernier combat… jusqu’au dernier souffle !…

Pour certains d’entre-nous, ce ne fut qu’un combat… jusqu’au bout de nos forces !…

La Perse a perdu sa flotte, la Grèce gagne la maîtrise des mers !

La garnison perse qui tient encore la Citadelle de Rhodes assiégée par les forces grecques, ne pourra plus être ravitaillée et soutenue à bout de bras par la marine perse… bientôt elle tombera !

Rendez grâce aux dieux de Rome, Citoyens ! Ils ont soutenus leurs enfants au milieu des périls… ils ont soutenus leurs enfants pour qu’ils puissent accomplir leur devoir ! Neptune, mon père, lui-même, a pris part à la bataille… pourrait-il en être autrement pour qu’aujourd’hui encore nous puissions nous extasier de voir le soleil se lever ? Il a emporté dans ses bras paternels de nombreux marins de Rome, il les a accueilli dans son royaume… Rendons gloire aux dieux, Citoyens ! Sans eux, le Grand Roi règnerait sur les mers…

La Flotte de l’Hégémon a appareillé la nuit encore noire, et au petit matin l’ordre de bataille était disposé, près de 300 galères de guerre, en deux ailes. Le Stratège Athénien Ethelmius commandait l’aile gauche : il avait gagné la haute mer et disposé ses 180 galères, en trois rangs de front, sur une longue ligne. Devant lui, à quelques milles en avant, juste à ma hauteur, quelques petites unités rapides devaient maintenir le contact visuel et l’avertir du bon moment ! Je commandais l’aile droite forte des 50 galères romaines et de 50 galères tarentines et napolitaines. La flotte sous mon commandement était en avant, le gros du dispositif grec sur mon arrière, à gauche. Ma progression longeait la côte rhodienne.

J’avais demandé que l’on me fournisse des fantassins. Les Grecs perplexes avaient fini par me les accorder, plus par lassitude face aux idées saugrenues du Navarque de Rome que par réel souci d’utilité ou d’efficacité ! Sans doute devaient-ils penser qu’il n’était guerre politique d’écarter d’un simple revers de la main toutes les suggestions que je formulais ! « Il veut embarquer des guerriers ? Grands dieux ! Qu’a-t-il encore imaginé ? Qu’il prenne ce contingent d’alliés ! De toutes façons, ils ne nous servent pas ! Ils sont inutilisables pour le siège de la ville de Rhodes ! Qu’il les emporte où bon lui semble… et qu’il cesse de nous abrutir avec ses idées….romaines ! »

C’est ainsi, que derrière mes galères, se préparant eux aussi au combat, naviguaient 50 transports chargés chacun de 10 guerriers Scythes ! Les Scythes sont de redoutables cavaliers et de redoutables guerriers, mi sauvages, des plaines du nord du Pont-Euxin. Je leur avais bien expliqué ce que j’attendais d’eux, et plutôt que de ronger leur frein inutilement devant Rhodes, ils avaient accepté avec enthousiasme la perspective d’enfin en découdre ! Ils ne connaissaient pas beaucoup la mer, mais, farouches et ne craignant rien, au moins là, ils comptaient bien assouvir leurs sens !

Lorsque les premières lueurs de l’aube baignèrent le monde, je me trouvais exactement à l’endroit que j’avais choisi : la côte de l’île de Rhodes que l’aile droite longeait, s’incurvait vers le sud.

Lorsque le soleil se leva, la flotte perse était en vue… un mur d’airain, d’étraves et de rames barrait l’horizon au nord… entre 300 et 400 galères au moins, sur 5 à 6 rangs… L’impression de puissance était tel que la mer semblait refluer devant cette masse en mouvement… et au milieu du dispositif perse quelques grosses unités, telles des citadelles imprenables, brillant de mil feux de bronze et d’or, de mil couleurs des bannières et fanions accrochés aux mats, semblaient dominer de leur hauteur les flots ! Devant moi, quelques galères faisaient déjà mouvement pour venir au ras de la côte, prendre position et protéger le flanc gauche perse.

Mais j’étais déjà là…

Académiquement, et c’est d’ailleurs bien ce que les Grecs imaginaient que je faisais, l’aille droite aurait dû être disposée en deux ou trois lignes de front perpendiculaires à la côte. Or, au dernier moment, juste avant le lever du soleil, j’avais ordonné une autre disposition… Les galères étaient bien sur deux lignes, mais à la queue leu leu, longeant la côte, et deux par deux, entre elles, grâce à un filin tendu, emmenaient un transport.

Le vent venait du sud-est, or nous progressions vers l’est. Il est impossible pour un navire marchand uniquement à voile, de garder ce cap au trois-quart vent debout ! Les transports ne pouvaient donc voguer de concert avec les galères, incapables de maintenir leur ligne dans ces conditions… il fallait donc bien les remorquer ! De plus j’avais fait hisser à leurs mats les couleurs des galères de guerre… de loin, l’illusion laissait croire à une flotte beaucoup plus importante qu’elle n’était en réalité.

Académiquement, cette disposition est une hérésie, et si j’avais dévoilé mon plan de bataille plus tôt, les Grecs m’eussent empêché de prendre la mer ! En effet, ma flotte est dans une disposition vulnérable… il suffit aux Perses de me prendre de flanc et de me coincer entre eux et la plage… en théorie je ne peux défendre ma position !

Effectivement !… mais le but qui est assigné à l’aile droite n’est pas de vaincre à elle seule la flotte adverse, ni même de provoquer beaucoup de dégâts… son but premier et unique, même si les Grecs n’ont pas osé me le dire en face, est de créer un point d’accrochage, d’attirer à elle le maximum d’unités ennemies, de faire en sorte que la flotte perse ne puisse plus sans risque d’agression de flanc progresser vers l’est, vers les autres navires grecs tapis à l’abri du regard, attendant le moment favorable.

De plus cette disposition de l’aile droite envoyait un message clair aux Perses : « Attention ! Vous voyez ? Mon but est de passer le plus rapidement possible le cap, l’endroit où la côte s’incurve vers le sud, d’y rassembler ma flotte, d’y prendre le vent qui là souffle du sud, et de me retourner contre votre propre flanc ! » J’espérais qu’il y avait quelques bons marins chez les Perses, qu’ils mesurent à sa juste valeur le danger… de toute façon, s’ils ne régissaient pas, c’est ce qu’il allait arriver !

Ils ont réagis… et vite !… La moitié de la flotte perse fit route vers moi…Et c’est alors que ma seconde ruse allait intervenir !

Pour les non avertis de la chose marine, il est bon de savoir plusieurs choses ! D’abord, et même si cela semble une évidence, il est bon de rappeler qu’une galère de guerre n’est dangereuse et efficace qu’au moment où elle attaque et au moment où elle est capable d’infliger des dégâts ! Si elle ne navigue pas, ou si elle est immobilisée pour une raison quelconque, elle ne présente plus aucun danger ! Or, il faut savoir, que les rostres d’attaque sont, ce que les spécialistes navals appèlent, des éperons trilames… S’ils ont la faculté de déchirer les coques des navires éperonnés et d’ainsi les réduire à l’état d’épave, ils ont le fâcheux défaut, une fois entré dans le flanc de la victime d’y rester coincé… un peu comme un hameçon barbelé… et pour peu que sa proie ne soit consentante….il risque bien d’y passer le reste de la bataille !

Cependant, plus la force du coup est élevée, plus les structures vives de l’adversaire sont atteintes et plus l’ouverture pratiquée est importante… en un mot, plus le « trou » est grand… donc plus facile a-t-on pour se dégager…

Autre chose à savoir et qui aussi semble être une évidence : les galères attaquant toutes voiles dehors, portées par le vent en plus de ses rameurs, donnent des coups plus important que celles naviguant à leur rencontre contre le vent, à la seule forces de leurs rames…

Tout l’art consiste donc à utiliser au mieux ces éléments !…

"Sentant donc le danger de se retrouver sous le vent de mon aile, la moitié de la flotte perse attaque, profitant de ma « désastreuse » position en file, le long de la côte. Elle vient du nord, contre le vent… elle n’a pas le choix…

La tactique d’une flotte qui attaque contre le vent est simple. Comme les coups qu’elle va porter sont faibles par rapport aux coups qu’elle va recevoir, elle est en infériorité… donc pour compenser cette infériorité, si elle en a la capacité, elle utilise plus de bâtiments que son adversaire. De plus, elle va au maximum éviter les coups, et s’efforcer de traverser les lignes ennemies sans être touchée pour se retrouver elle-même de l’autre côté, sous le vent, et alors en position de supériorité.

Oh ! Les Perses savent pertinemment qu’ils vont perdre des unités pendant cet assaut ! Certaines vont être éperonnées de suite par mes galères, d’autres vont être « obligées » d’éperonner, malgré le peu de puissance qu’elles peuvent donner, parce qu’elles ne peuvent faire autrement, parce qu’elles se retrouvent coincées dans l’assaut, parce que la proie est trop tentante… Le tout, c’est de se retrouver après cette première passe, de l’autre côté sous le vent, en supériorité numérique !… et quand bien même, il reste toujours au Commandant Perse une demi flotte intacte au nord, qui peut attaquer ensuite… et je me retrouve prisonnier entre deux flottes, une au sud, une au nord !…

La flotte perse attaque. Je donne l’ordre aux 100 galères de faire face, de larguer les amarres des 50 transports remorqués, de mettre toute la voile, et d’attaquer la ligne perse. A leur tour, les transports mettent la voile et suivent à courte distance les galères de guerre.

En face, ils sont près du double !

Le choc de la première ligne est effroyable… près de 50 galères perses sont venues s’empaler sur nos rostres… Notre seconde ligne éperonne les premières unités perses qui tentent de forcer le passage… Certaines galères parviennent à se dégager suffisamment vite pour donner un nouveau coup de butoir a un attardé perse ou l’autre.

J’ordonne de suite le demi-tour. Toutes les galères qui se sont libérées prennent la direction de la côte, contre le vent, poursuivant les perses qui sont passés. Les autres essayent toujours de se dégager… une à une elles se libèrent, parfois aidées par une autre qui passe à proximité, parfois redonnant un coup à un perse légèrement touché et qui semble montrer encore des signes de velléité…

La moitié de galères perses sont passées… il y en a 80, environ… une cinquantaine de galères alliées se sont dégagées, quelques autres suivront, sans doute, plus tard…

Mais les 50 transports sont là, maintenant face aux rescapées perses… et un transport, contrairement à une galère de guerre, n’est jamais aussi dangereux qu’une fois éperonné ! Aussi, suivant mes ordres à la lettre, chaque transport se jette volontairement sur l’éperon adverse… immobilisant l’adversaire, le forçant à rester encastré dans son flanc… les Scythes montent à l’assaut…

Une galère de guerre transporte très peu de soldats, elle n’en a pas la place, l’étroit passage entre les deux rangs de rameurs est suffisamment étroit pour ne laisser le passage que d’un seul homme de front. Les marins ne sont pas des combattants, ils ne sont armés que de leur rame et… de l’éperon !…

Les Scythes, depuis longtemps non employés, sont assoiffés de sang. Ils font un véritable carnage de tout ce qui prétend leur opposer résistance… et bientôt 50 galères perses sont hors combat ! J’ai ordonné aux Scythes de hisser aux mats, dès qu’ils mettent pieds sur l’ennemi, les fanions de guerre des Athéniens !

Il ne reste plus que 30 galères perses libres de mouvement, et ce qui reste de l’aile droite fond sur elles… elles n’ont aucune chance… elles vont être submergées par le nombre…

Pendant que mes navires pourchassent et capturent les derniers rescapés, j’observe les mouvement du reste de la flotte perse… Va-t-il se décider ?

A force de « gueulantes », de grimaces, d’intimidations, les Scythes ont obligé de gré ou de force les rameurs des galères perses capturées à manœuvrer… oh, ils ne sont pas près à changer de camps et à combattre maintenant leurs anciens maîtres… mais ils peuvent faire illusion ! Elles forment maintenant une ligne parallèle à la côte, les flammes de guerre athénienne claquant au vent. J’ai fait placer devant elles ma ligne de rescapées de l’aile droite… nous sommes « remontés » un peu vers l’ouest, pour que l’île de Rhodes nous protège des vents du sud… et j’attends les réactions du Perse….

C’est maintenant que le plus dur va arriver…

La confusion doit être totale chez le commandant Perse ! Le Perse a bien vu que la moitié de son attaque a percé nos lignes… et maintenant, de l’autre côté des épaves qui jonchent la mer à l’endroit de la première rencontre, là ou ses navires devraient être, il ne voit que mes rescapés et des Athéniens… plus un seul de ses navires… « Ils sont donc tombés sur… Le gros de la flotte grecque serait-il caché là ?… »

Il n’hésite plus, il ordonne l’attaque. A force rame, toute le reste de la flotte perse fait route vers mes positions. Je donne l’ordre à ma trirème la plus rapide, de remonter la côte vers l’ouest, de rejoindre les petits navires de surveillance du Stratège Ethelmius, et d’arborer au mat le signal convenu en cas de réussite du plan.

Je donne l’ordre à mes galères de reculer vers la plage et aux Scythes d’échouer les galères prises… qu’ils débarquent les rameurs et les gardent à terre comme prisonniers… Ces galères ne peuvent plus me servir, elles ont joué leur rôle, le piège est tendu… c’est bientôt la fin de la flotte perse… elle va bientôt se retrouver sur mes positions, coincée entre la plage et le gros des Grecs arrivant de la pleine mer, incapable d’aller chercher le vent…

Mais il faut encore tenir… il faut encore jouer le jeu… gagner du temps… pour que le Perse s’enferre à fond, et que les Grecs accourent à la curée…

J’attends… j’attends, ils ne sont pas encore assez proche… les nerfs sont mis à rude épreuve dans ces situations… Les trois heures de combat qui viennent de passer, paraissent n’avoir vécu qu’un souffle… maintenant, ces cinq minutes d’attende comptent pour des ans !

J’attends… tous les marins attendent, les muscles gonflés déjà de le dernier effort que je vais exiger…

Nous avons 50 galères en ordre de combat… 200 galères perses foncent sur nous ! Nous allons devoir tenir… éviter… biaiser… glisser entre les rostres adverses… Nous sommes perdus, nous le savons… mais plus nous prolongerons au maximum notre agonie… mieux les Grecs anéantirons les Perses !

Soudain, un esquif aborde l’arrière de ma galère. C’est un parti de Scythes qui revient au combat… ils ne peuvent rester sur la plage à contempler de loin le carnage… ils doivent y participer… ils sont dix, les meilleurs d’entre eux, dont leur chef Atéas, géants roux, barbus et chevelus, un anneau d’or retenant leurs longs cheveux dans le dos…

J’ai enfin ordonné d’hisser les voiles et de prendre la pleine vitesse pour donner le premier coup de ce dernier combat. Après le choc, les rescapés ont commencé à éviter, à virer de bord, à biaiser, ne cherchant plus à attaquer, mais seulement à survivre, à surnager… et une à une mes galères ont été éperonnées… Je ne peux dire combien de temps a duré cet assaut… interminable !…

Ma galère a été éperonnée quatre fois… et chaque fois mes Scythes sont montés à l’assaut de l’agresseur… et chaque fois couverts d’un flot de sang, ils ont regagné mon bord… la galère ennemie « nettoyée » de tout combattant, de tout officier… ses rameurs désemparés, sans ordres, restant les bras ballants, inutiles, la tête cachée dans le creux de la poitrine à prier leurs dieux de leur épargner à l’avenir pareille visions de carnage…

Et puis, quand tout était quasi consommé, les Grecs étaient là !

Les Perses ont bien essayé de se défendre, mais s’étant enferrés eux-même dans un amas d’épaves, ils n’avaient plus de possibilité de manœuvre… Ils ont été balayés, coulés et massacrés.

Et tout était enfin fini !


Emilius Iulius, Navarque 306-324, en mission en Orient, 323-324"


Bataille maritime Perse